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Le vant, ta volonté tournant legerement,
Qui pourtant ne m’émeut, ne me rompt, ne m’encline ;

Puis ton ardant courroux, plein de foible rigueur,
Comme un feu devorant veut consommer mon cœur.
Mais, tout ainsi que l’or, dans la braise il s’affine.


LXIV


Comme un pauvre malade en la couche arresté,
Qui, pour sa guarison, prend maint divers bruvage,
Herbes, charmes, billets, mais tout à son dommage,
Car son mal incurable en est plus irrité ;

En fin, perdu d’espoir, quand il a tout tenté,
Remet à Dieu sa vie et n’a plus de courage
D’attendre aucun secours, ny que rien le soulage,
Que celle qui des maux est le but limité ;

De mesme, en mes douleurs, j’avoy pris esperance
Que l’oubly, la raison, les dédains ou l’absence,
Me pourroient alleger, ou du tout me guarir.

Mais, voyant que sans fruict mon attente se treuve,
J’obéis au destin, et, sans faire autre preuve,
Des beaux traits de vos yeux je consens de mourir.


LXV


Si ce n’est qu’amitié, c’est la plus enflamée,
Et qui mieux tout à coup va gagnant les espris
Qu’autre qui fut jamais ; n’en desplaise à Cypris,
Les brandons de son fils ne sont rien que fumée.

Expert, j’en puis parler ; mon ame, accoustumée
Dans les fourneaux d’amour plus ardemment épris,
Recognoist à l’essay que tout n’est rien au pris
De ceste amitié neuve, en mon sang allumée.

Quoy ! je ne puis dormir ; ô Dieu ! quelle amitié,
Qui, comme une fureur, me poursuit sans pitié,
Et qui du desespoir les desirs fait renaistre :

Bref, qui fait qu’à tous vants mon vaisseau je remets !
Non, ce n’est amitié : « L’amitié n’est jamais
Du prince à son sujet, de l’esclave à son maistre. »


LXVI


J’ay par long-tans, comme amour m’affolloit,
Suivi ton œil, dont la flamme est si claire ;
Et mon regard, papillon volontaire,
Tousjours autour volloit et revolloit :