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XXVIII


Je ne me plains de vostre cruauté
A mes desirs injustement contraire ;
Je ne me plains que tout me desespère,
Ny que le tans cede à ma loyauté.

Je ne me plains du vol que j’ay tenté,
Jeune Dedale, aux perils temeraire ;
Quoy qu’il en soit, j’auray de quoi me plaire,
Fondant aux rais d’une telle beauté.

Je ne me plains que l’effort des jaloux
De moy me prive en me privant de vous ;
Je ne me plains que tout me fasse craindre ;

Mais, en souffrant tant de punitions,
De desespoirs, de morts, d’afflictions,
Las ! je me plains que je ne m’ose plaindre !


XXIX


Si c’est aimer que porter bas la vue,
Que parler bas, que soupirer souvant,
Que s’égarer solitaire en rêvant,
Brûle d’un feu qui point ne diminue ;

Si c’est aimer que de peindre en la nue,
Semer sur l’eau, jetter ses cris au vant,
Chercher la nuict par le soleil levant,
Et le soleil quant la nuict est venue ;

Si c’est aimer que de ne s’aimer pas,
Haïr sa vie, embrasser son trespas,
Tous les amours sont campez en mon ame ;

Mais nonobstant, si me puis-je louer
Qu’il n’est prison, ny torture, ny flame,
Qui mes desirs me sçeust fair avouer.


XXX


Las ! que me sert, quand la douleur me blesse,
Et que mon feu me cuit plus vivement,
Que je proteste et jure incessamment
De jamais plus ne revoir ma princesse !

Si chaud desir m’aiguillonne et me presse,
Quittant ses yeux, trop beaux pour mon tourment,
Qu’oubliant tout, et douleurs et serment,
Je cours au lieu que jamais je ne laisse.

Des jeunes cœurs, l’enchanteur dangereux