Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce mesme trait dont vous m’aviez touché,
Dans mon esprit grava vostre figure.

Vous n’avez rien de rare et de caché,
De beau, de saint, du ciel et de nature,
Qu’Amour subtil n’ait partout recherché,
Pour faire en moy vostre vive peinture.

Bref, mon esprit, ardant d’affections,
Est un miroir de vos perfections,
Où vous pouvez vous voir toute depeinte.

Si ma foy donc ne vous peut enflamer,
A tout le moins, vous me devez aimer
Pour le respect de vostre image sainte.


XXVI


Mon Dieu ! mon Dieu ! que j’aime ma deesse
Et de son chef les tresors précieux !
Mon Dieu ! mon Dieu ! que j’aime ses beaux yeux,
Dont l’un m’est doux, l’autre plein de rudesse !

Mon Dieu ! mon Dieu ! que j’aime la sagesse
De ses discours, qui raviroient les Dieux,
Et la douceur de son ris gracieux,
Et de son port la royale hautesse !

Mon Dieu ! que j’aime à me ressouvenir
Du tans qu’Amour me fist serf devenir !
Toujours depuis j’adore mon servage.

Mon mal me plaist plus il est violant ;
Un feu si beau m’égaye en me brûlant,
Et la rigueur est douce en son visage.


XXVII


Elle pleuroit, toute palle de crainte,
Lors que la Mort sa moitié menaçoit,
Et tellement l’air de cris remplissoit,
Que la Mort mesme à pleurer eust contrainte.

Helas ! mon Dieu, que sa grace étoit sainte !
Que beau son teint, qui les lys effaçoit !
Le trait d’Amour cependant me blessoit,
Et dans mon ame engravoit sa complainte.

L’air, en pleurant, sa douleur témoigna,
Le beau soleil de pitié s’éloigna,
Les vens esmeus retenoient leurs haleines ;

Et sur la terre où tomberent les pleurs
De ses beaux yeux, amoureuses fontaines,
Tout s’émailla de verdun et de fleurs.