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Dût-elle courir des périls d’ailleurs, il faut montrer en amour autant de vaillance que les soldats pendant la guerre. Aussi, dès les premiers mots, le poëte brusque-t-il la prudente et calme pécheresse, de manière à la déconcerter :

Que serviroit nier chose si reconnue ?
Je l’avoue, il est vrai, mon amour diminue,
Non pour objet nouveau qui me donne la loi,
Mais c’est que vos façons sont trop froides pour moi.
Vous avez trop d’égard, de conseil, de sagesse ;
Mon humeur n’est pas propre à si tiède maitresse :
Je suis impatient, aveugle et furieux.

Poursuivant du même ton, il lui dit comment il voudrait qu’elle fût pour lui plaire :

D’une flèche trop mousse Amour vous a blessée,
Il faut à mes fureurs quelque amante insensée,
Qui, mourant chaque jour, me livre cent trépas,
Qui m’ôte la raison, le somme et le repas,
Qui craigne de me perdre et qui me fasse craindre.
Qui toujours se complaigne ou qui m’écoute plaindre,
Qui se jette aux dangers et qui m’y jette aussi,
Qui transisse en l’absence et que j’en sois ainsi,
Qui m’occupe du tout, que tout je la retienne,
Et qu’un même penser notre esprit entretienne.
Voilà les passe-temps que je cherche en aimant ;
J’aime mieux n’aimer point que d’aimer tièdement.

Une ardeur si vive ne permettait pas au galant poëte d’agir avec circonspection. Il nous apprend lui-même qu’il avait les mœurs et l’audace des coureurs d’aventures, qu’il battait le pavé toutes les nuits, sans craindre les rivaux, les jaloux, les détrousseurs de passants, les averses, le froid et le brouillard.

Quand je suis tout de flamme et que, chargé d’ennuis,
Par la ville à grands pas j’erre toutes les nuits,
Toujours une déesse à mon secours se montre.
Les batteurs de pavé, qu’aux détours je rencontre,
Ne m’ôtent point ma cape, et leur fer rigoureux
Ne se trempe jamais dans mon sang amoureux.
Le froid des nuits d’hiver ne me porte nuisance,
Ni le serein, ni l’eau qui tombe en abondance.
Je ne me sens de rien, tout aide à ma santé,
Pourvu qu’à la parfin, ayant bien écouté.
Lasse de mes travaux, celle qui m’est si belle,
Entr’ouvrant la fenêtre, à basse voix m’appelle.

Un soupirant de ce caractère, que semblaient avoir embrassé les feux du soleil italien, devait réussir au delà des Alpes.

Les chroniqueurs littéraires ne nous apprennent pas comment