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étoient adorés. Aujourd’hui c’est tout le contraire: il ne s’en faut guères qu’il né soit honteux d’être homme d’esprit; du moins il est bien sûr que rien n’est moins utile. Les meilleurs Ouvrages ont bien de la peine à se faire lire; le Public est de mauvaise humeur, et se défend tant qu’il peut d’approuver. Le jeu a pris entièrement la place de la conversation; et si Voiture renaissoit, il ne pourroit rentrer dans le grand monde que par l’inclination qu’il auroit pour le jeu, et nullement par les charmes et les agrémens de son esprit. Un si grand changement, et qui n’a passé par aucuns degrés, n’a-t-il point de causes ? Il en a sans doute, mais qu’on ne se donne pas la peine de démêler. Il s’est fait, il y a vingt ou trente ans, un grand nombre de choses excellentes, et qu’on ne peut guères surpasser; le Public s’y est accoutumé, et ce qui n’est qu’égal à ces choses-là, les lasse. De plus, le goût du siècle passé n’étoit pas sans quelque ridicule; les conversations étoient un peu trop arrangées et trop méthodiques: on prenoit trop de peine pour y briller, et ceux qui y brilloient s’en faisoient trop valoir.