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se fait continuellement dans les esprits des Peuples, ces goûts qui se succèdent insensiblement les uns les autres, cette espèce de guerre qu’ils se font en se chassant et en se détruisant, cette révolution éternellc d’opinions et de coutumes; et je sens que les détails de tout cela plairoient à ma curiosité, sur-tout si on me montroit comment ces goûts, ces opinions, ces coutumes se produisent ou s’abolissent les uns les autres.

Car les Dieux souvent ce n’est point par hasard qu’un goût succède à un autre; il y a ordinairement une liaison nécessaire, mais cachée. Par exemple le goût d’aujourd’hui est très-différent de ce qu’il étoit il ya vingt ou trente ans. Les gens d’esprit étoient extrêmement courus, l’esprit donnoit entrée par-tout, et la figure que Voiture a faite dans le monde en est une belle preuve. Les Vers, les Romans, tout cela étoit fort à la mode; un petit Ouvrage de Vers un peu agréable se répandoit en un moment par toute la France, un Roman ne fatiguoit point par ses douze tomes; surtout on faisoit grand cas de la conversation, et ceux qui y avoient quelque talent