Page:Œuvres de Monsieur de Fontenelle, Tome IX, 1766.djvu/398

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objet, l’agrandit encore, et est même portée à y ajouter ce qui manqueroit pour le rendre tout-à-fait merveilleux, comme si elle avoit regret de laisser une belle chose imparfaite. De plus, on est frappé des sentimens de surprise et d’admiration que l’on cause à ses auditeurs, et on est bienaise de les argumenter encore, parce qu’il semble qu’il en revient je ne sais quoi à notre vanité. Ces deux raisons jointes ensemble font que tel homme qui n’a pas envie de mentir, en commençant un récit un peu extraordinaire, pourra se surprendre lui-même en mensonge sur quelque circonstance, s’il y prend bien garde, et que l’on a besoin d’une attention particulière et d’une espèce d’effort pour ne dire exactement que la vérité. Que sera-ce après cela de ceux qui naturellement aiment à en imposer aux autres, et à inventer ?

Les premiers hommes ont donc vu bien des prodiges, parce qu’ils étoient fort ignorans; mais parce qu’ils étoient hommes, ils les ont exagérés en les racontant, soit de bonne foi, pour ainsi dire, soit de mauvaise foi. Si ces récits sont déjà gâtés à leur source, assurément