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C a t i l i n a.

Et je ne m’en crois pas plus voiſin de ma perte.
Le Sénat éperdu, les Chevaliers épars,
Appellent à grand bruit le peuple au champ de Mars ;
De toutes parts enfin on murmure, on s’aſſemble :
Mais, objet de leurs cris, ce n’eſt pas moi qui tremble.
L’inſtant fatal approche, & loin d’en être émû,
Je me ſens tranſporté d’un plaiſir inconnu.
Je craignois les délais, ils ſont toûjours à craindre,
Le feu des factions eſt facile à s’éteindre ;
Ainſi l’on ne peut trop hâter l’événement.
Sunnon, puis-je compter ſur notre engagement ?

S U N N O N.

La foi de mes pareils ne fut jamais frivole :
Je ſuis Gaulois, ainſi fidèle à ma parole ;
L’honneur eſt parmi nous le premier de nos Dieux.
Mais vous ſavez quel joug on m’impoſe en ces lieux,
Et d’un ambaſſadeur quel eſt le miniſtère ;
Que je ſuis retenu par une loi ſévère,
Qui me défend d’armer de criminelles mains,
Et d’oſer les tremper dans le ſang des Romains.
D’ailleurs, de vos projets j’ignore le myſtère ;
Je crains tout, ſans ſavoir ce qu’il faut que j’eſpère.
Si vos deſſeins ne ſont auſſi juſtes que grands,
Et ſi ce n’eſt pour nous que changer de tyrans ;
Si nos traités ne ſont fondés ſur la juſtice,