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C a t i l i n a.

Conſacrez chaque jour ſes tranſports inſenſés ?
Je vous connois tous deux mieux que vous ne penſez.
Timide, ſoupçonneux, & prodigue de plaintes,
Cicéron lit toûjours l’avenir dans ſes craintes ;
Et Caton, d’un génie ardent, mais limité,
Ne connoît de vertu que la férocité ;
Prompt à ſe courroucer, enclin à contredire,
La haine eſt le ſeul Dieu qui le meut & l’inſpire.
Mais c’eſt perdre le temps en diſcours ſuperflus,
Et je reviens aux ſoins qui vous touchent le plus.
Alarmé d’un pouvoir dont la grandeur vous bleſſe,
L’ardeur d’en triompher vous occupe ſans ceſſe :
Et comme il vous falloit le ſecours d’un emploi
Pour éloigner de Rome un homme tel que moi,
Vous m’avez fait nommer gouverneur de l’Aſie,
Bienfait que je tiendrois de votre jalouſie :
Mais mon nom ſeul ici vous faiſant tous trembler,
Vous vous flattez qu’ailleurs vous pourrez m’accabler.
Déjà par Manlius l’Italie occupée,
Va bien-tôt ſe remplir des troupes de Pompée ;
Et ce fameux vainqueur de tant de nations,
Vous offre ſon épée avec ſes légions.
Que d’inutiles ſoins, dans le temps que Tullie
Pourroit à votre gré diſpoſer de ma vie !
Car de ces noirs complots, qui cauſent tant d’effroi,
Elle a dû déclarer que le chef c’était moi.

Je ne