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C a t i l i n a.

Et que ſi leur pouvoir égaloit leur courroux,
La foudre deviendroit le moindre de leurs coups.

C A T I L I N A.

Tullie, expliquez-moi ce que je viens d’entendre,
Ma gloire & mon amour craignent de s’y méprendre,
Et ſi nous n’étions ſeuls, malgré ce que je voi,
Je ne croirois jamais que l’on s’adreſſe à moi.

T U L L I E.

Ah ! ce n’eſt qu’à vous ſeuls, grands Dieux, que je m’adreſſe,
Et non à des cruels qu’aucun remords ne preſſe,
Monſtres, dont la fureur brave les Immortels,
Et que le crime ſuit juſqu’aux pieds des autels,
Qui tout baignés d’un ſang qui demande vengeance,
Oſent des Dieux vengeurs inſulter la préſence.
Le ſang de Nonius verſé près de ces lieux,
Fume encore, & voilà l’encens qu’on offre aux Dieux :
La ſacrilège main qui vient de le répandre,
N’attend plus qu’un flambeau pour mettre Rome en cendre.
Ce n’eſt point Mithridate ennemi des Romains,
Ni le Gaulois altier qui forme ces deſſeins ;
Grands Dieux ! c’eſt une main plus fatale & plus chère,
Qui menace à la fois la patrie & mon père.
Ces excès de fureur inconnus à Sylla,
N’étaient faits que pour toi, traître Catilina.