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C a t i l i n a.

Et tu n’ignores pas que depuis plus d’un jour
Les lettres de Pompée annoncent ſon retour ;
Que Pétréius ſuivi de nombreuſes cohortes,
Bien-tôt de Rome même occupera les portes :
Céſar, dont le génie égale le grand cœur,
T’accuſe d’imprudence & de trop de lenteur.

C A T I L I N A.

Oui, je ſais que Céſar déſire ma retraite,
Pour briguer au Sénat l’honneur de ma défaite,
Pour voir nos légions marcher ſous ſes drapeaux,
Et pour profiter ſeul du fruit de mes travaux :
Mais, ſi le Sort répond à l’eſpoir qui m’anime,
Je ferai de Céſar ma première victime ;
Il eſt trop jeune encor pour me donner la loi,
Et je n’en veux ici recevoir que de moi.
Qu’ai-je à craindre dans Rome, où le peuple m’adore,
Où je veux immoler ce Sénat que j’abhorre ?
Le péril eſt égal ainſi que la fureur,
Et j’ai de plus ſur eux ma gloire & ma valeur.
L’exemple de Sylla n’a que trop fait connoître
Combien il eſt aiſé de leur donner un maître ;
Et ce Pompée enfin, ſi fameux aujourd’hui,
Tremblera devant moi, comme il fit devant lui.
Manlius avec nous toûjours d’intelligence,
Auſſi prompt que toi-même à ſervir ma vengeance,