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C a t i l i n a.

Ce tyran des Romains, l’amour de la Patrie,
Te trompe, & ſe déguiſe en frayeur pour ma vie.
Eſt-ce à moi d’abuſer du penchant malheureux
Qui te fait une loi de tout ce que je veux ?
Iſſu des Scipions, tu crains qu’à ta mémoire
On ne refuſe un jour place dans leur hiſtoire ;
Et le rang de Préteur qui te lie au Sénat,
Trouble en un conjuré le cœur du magiſtrat :
Tu crains pour Rome enfin, voilà ce qui t’arrête,
Quand tu ne crois ici craindre que pour ma tête.
Vas, de trop de remords je te vois combattu,
Pour te ravir l’honneur d’un retour de vertu.

L E N T U L U S.

Catilina, laiſſons un diſcours qui m’offenſe,
Tes ſoupçons ſont toûjours trop près de ta prudence :
A force de vouloir approfondir un cœur,
Un faux jour a ſouvent produit plus d’une erreur,
Et les plus éclairés ont peine à s’en défendre,
Mais un chef de parti ne doit point s’y méprendre.
D’entre les conjurés diſtingues tes amis,
Et qu’un diſcours ſans fard leur ſoit du moins permis ;
De toutes les grandeurs qui feront ton partage,
Je ne t’ai demandé que ce ſeul avantage ;
Laiſſes-m’en donc jouir, mon amitié pour toi
N’a que trop ſignalé ſa conſtance & ſa foi.