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Ne croyez pas, ſeigneur, que mon cœur les oublie…
Mais que dis-je ? Et d’où vient que je me juſtifie ?…
Gardez tous vos ſoupçons : bien loin de les bannir,
Je dois aider moi-même à les entretenir.

I D A M A N T E.

Eh bien ! Pour m’en punir, déſormais moins ſévère,
Regardez ſans courroux la flamme de mon père :
Il vous aime, madame, il eſt digne de vous.
Si j’ai fait éclater mes ſentiments jaloux,
Pardonnez aux tranſports de mon âme éperdue :
Je ne connaiſſais point le poiſon qui me tue.
Mais, quel que ſoit l’amour dont je brûle aujourd’hui,
Ma vertu contre vous deviendra mon appui :
Je verrai, ſans regret, parer du diadème
Un front que mon amour n’en peut orner lui-même.
Remontez dès ce jour au rang de vos aïeux :
Votre vertu, madame, apaiſera les Dieux.
Que ne pourra ſur eux une reine ſi belle ?
Pour moi, juſqu’à la mort toujours tendre & fidèle,
J’irai ſans murmurer, loin de lui, loin de vous,
Sacrifier au roi mon bonheur le plus doux…
Mais on vient… c’eſt lui-même. Il vous cherche, madame.
Dieux ! Quel trouble cruel s’élève dans mon âme !…
Vous ne partirez point puiſqu’il veut vous revoir :
Vous règnerez… ô ciel ! Quel eſt mon déſespoir !