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É G É S I P P E.

Mes vaiſſeaux ſont-ils prêts ?Oui, ſeigneur ; mais les eaux
D’un naufrage aſſuré menacent vos vaiſſeaux :
La mer gronde, & ſes flots font mugir le rivage ;
L’air s’enflamme, & ſes feux n’annoncent que l’orage.
De qui doit s’embarquer je déplore le ſort.
Serait-ce vous, ſeigneur ?

I D O M É N É E.

Serait-ce vous, ſeigneur ?Qu’on m’aille attendre au port.


SCÈNE IV.
IDOMÉNÉE, ſeul.

Ainſi donc tout menace une innocente vie !
Ô mon fils ! Faudra-t-il qu’elle te ſoit ravie ?
À des dieux ſans pitié ne te puis-je arracher ?
Quel aſile contre eux déſormais te chercher ?
Que n’ai-je point tenté ? Je t’offre ma couronne ;
Un départ rigoureux par moi-même s’ordonne ;
Je crois t’avoir ſauvé quand j’y puis conſentir :
Et les ondes déjà s’ouvrent pour t’engloutir !
Fuis cependant, mon fils : l’orage qui s’apprête,
Eſt le moindre péril qui menace ta tête.
Quoique je n’aie, hélas ! Rien de plus cher que toi,
Tu n’as point d’ennemi plus à craindre que moi.