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En vain pour vous punir il remplit tout d’horreurs,
Puiſqu’il peut de mes maux épargner les auteurs.

I D A M A N T E.

J’ignore auprès des dieux ce qui nous rend coupables,
J’ignore quel forfait les rend inexorables ;
Mais je ſais que le ſang qui fait couler vos pleurſ
N’a point ſur nous, madame, attiré ces malheurs.
Avant qu’un ſang ſi cher eût arroſé la terre,
Le ciel avait déjà fait gronder ſon tonnerre.
Ainſi, pour vous venger, n’attendez rien des dieux,
Si ce n’eſt de l’amour, qui peut tout par vos yeux.
Que le courroux du ciel de cent villes fameuſeſ
Faſſe de longs déſerts, des retraites affreuſes ;
Que les ombres du Styx habitent ce ſéjour ;
Tout vous vengera moins qu’un téméraire amour.
Seul il a pu remplir vos vœux & votre attente :
Je défis votre père, il vous livre Idamante :
Lorſque vous imploriez les traits d’un dieu vengeur,
Tous les traits de l’amour vous vengeaient dans mon cœur.

É R I X È N E.

Quoi ! Seigneur, vous m’aimez ?

I D A M A N T E.

Quoi ! Seigneur, vous m’aimez ? Jamais l’amour, madame,
Dans le cœur des humains n’alluma plus de flamme.
Sans eſpoir, dans vos fers toujours plus engagé…