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O R E S T E.

Ah ! Ne prononcez plus ce nom que je déteſte.
Et toi que fait frémir mon aſpect odieux,
1640Nature, tant de fois outragée en ces lieux,
Je viens de te venger du meurtre de mon père ;
Mais qui te vengera du meurtre de ma mère ?
Ah ! Si pour m’en punir le ciel eſt ſans pouvoir,
Prêtons-lui les fureurs d’un juſte déſespoir.
1645Ô dieux, que mes remords, s’il ſe peut, vous fléchiſſent !
Que mon ſang, que mes pleurs, s’il ſe peut, t’attendriſſent,
Ma mère ! Vois couler…

Il ſe veut tuer.
P A L A M È D E le déſarmant.

Ma mère ! Vois couler…Ah ſeigneur !

O R E S T E.

Ma mère ! Vois couler… Ah ſeigneur !Laiſſe-moi :
Je ne veux rien, cruel, d’Électre ni de toi :
Votre cœur, affamé de ſang & de victimes,
1650M’a fait ſouiller ma main du plus affreux des crimes…
Mais quoi ! Quelle vapeur vient obſcurcir les airs ?
Grâce au ciel, on m’entr’ouvre un chemin aux Enfers :
Deſcendons, les Enfers n’ont rien qui m’épouvante ;
Suivons le noir ſentier que le ſort me préſente ;
1655Cachons-nous dans l’horreur de l’éternelle nuit.
Quelle triſte clarté dans ce moment me luit ?