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S C È N E   I.
É L E C T R E.

Tandis qu’en ce palais mon hymen ſe prépare,
Dieux ! Quel trouble ſecret de mon âme s’empare !
1375Le ſévère devoir qui m’y fait conſentir
Eſt-il ſitôt ſuivi d’un honteux repentir ?
Croirai-je qu’un amour proſcrit par tant de larmes
Puiſſe encor me cauſer de ſi vives alarmes ?
Non, ce n’eſt point l’amour ; l’amour ſeul dans un cœur
1380Ne pourrait exciter tant de trouble & d’horreur :
Non, ce n’eſt point un feu dont ma fierté s’irrite…
Ah ! Si ce n’eſt l’amour, qu’eſt-ce donc qui m’agite ?
Un amour ſi longtemps ſans ſuccès combattu
Voudrait-il d’aujourd’hui reſpecter ma vertu ?
1385Feſtins cruels, & vous, criminelles ténèbres,
Plaintes d’Agamemnon, cris perçants, cris funèbres,
Sang que j’ai vu couler, pitoyables adieux,
Soyez à ma fureur plus qu’Oreſte & les dieux :
Échauffez des tranſports que mon devoir anime :
1390Peignez à mon amour un héros magnanime…