Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/248

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Eh ! Comment en ces lieux craindrais-je de paroître,
Moi que d’abord Arcas a paru méconnaître,
Moi que devance ici le bruit de mon trépas,
980Moi dont enfin le ciel ſemble guider les pas ?
D’ailleurs, un ſang ſi cher m’appelle à ſa défenſe,
Que tout cède en mon cœur au ſoin de ſa vengeance.
La sœur d’Oreſte en proie à ſes perſécuteurs,
Doit, ce jour, éprouver le comble des horreurs.
985Je viens, contre un tyran prêt à tout entreprendre,
Reconnaître les lieux où je veux le ſurprendre.
Puiſqu’il faut l’immoler ou périr cette nuit,
Qu’importe à mes deſſeins le peril qui me ſuit ?
Mon fils, ſi même ardeur eût guidé votre audace,
990Vous n’auriez pas pour moi ce ſouci qui vous glace.
Comment dois-je expliquer vos regards interdits ?
Je ne trouve partout que des cœurs attiédis,
Que des amis troublés, ſans force & ſans courage,
Accoutumés au joug d’un honteux eſclavage.
995Par ma préſence en vain j’ai cru les raſſembler ;
Un guerrier les retient, & les fait tous trembler.
Mais moi, ſeul au deſſus d’une crainte ſi vaine,
Je prétends immoler ce guerrier à ma haine ;
C’eſt par-là que je veux ſignaler mon retour.
1000Un défenſeur d’Égiſthe eſt indigne du jour.
Parlez, connaiſſez-vous ce guerrier redoutable,
Pour le tyran d’Argos rempart impénétrable ?