Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée

Au deſſus des mortels, digne même des dieux.
Je vous dirai bien plus : j’adore Iphianaſſe ;
690Tout mon reſpect n’a pu ſurmonter mon audace ;
Je l’aime avec tranſport ; mon trop ſensible cœur
Peut à peine ſuffire à cette vive ardeur :
Mais quand avec l’eſpoir d’obtenir ce que j’aime,
L’univers m’offrirait la puiſſance ſuprême.
695Contre votre ennemi bien loin d’armer mon bras,
Je ne ſais point quel ſang je ne répandrois pas.
Revenez d’une erreur à tous les deux funeſte.
Qui ? Moi, grands dieux ! Qui ? Moi, vous immoler Oreſte !
Ah ! quaud vous le croyez ſeul digne de mes coups,
700Savez-vous qui je ſuis ? Et me connaiſſez-vous ?
Quand même ma vertu n’aurait pu l’en défendre,
N’eût-il pas eu pour lui l’amitié la plus tendre ?
Ah ! Plût aux dieux cruels, jaloux de ce héros,
Aux dépens de mes jours l’avoir ſauvé des flots !
705Mais, hélas ! C’en eſt fait ; Oreſte & Palamède…

É G I S T H E.

Ils ſont morts ? Quelle joie à mes craintes ſuccède !
Grands dieux, qui me rendez le plus heureux des rois,
Qui pourra m’acquitter de ce que je vous dois ?
Mon ennemi n’eſt plus ! Ce que je viens d’entendre
710Eſt-il bien vrai, Seigneur ? Daignez au moins m’apprendre
Comment le juſte ciel a terminé ſon ſort,
En quels lieux, quels temoins vous avez de ſa mort.