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Je cours y conſulter le dieu qu’on y révère,
Sur mon ſort, ſur celui d’Oreſte & de mon père.
Mais à peine aux autels je me fus proſterné,
Qu’à mon abord fatal tout parut conſterné :
505Le temple retentit d’un funèbre murmure ;
( Je ne ſuis cependant meurtrier ni parjure.)
J’embrAſſe les autels, rempli d’un ſaint reſpect ;
Le prêtre épouvanté recule à mon aſpect,
Et, ſourd à mes ſouhaits, refuſe de répondre :
510Sous ſes pieds & les miens tout ſemble ſe confondre.
L’autel tremble ; le dieu ſe voile à nos regards,
Et de pâles éclairs s’arme de toutes parts :
L’antre ne nous répond qu’à grands coups de tonnerre,
Que le ciel en courroux fait gronder ſous la terre.
515Je l’avoue, Anténor ; je ſentis la frayeur,
Pour la première fois, s’emparer de mon cœur.
À tant d’horreurs enfin ſuccède un long ſilence.
Du dieu qui ſe voilait j’implore l’aſſistance :.
« Écoute-moi, grand dieu ; ſois ſensible à mes cris :
520D’un ami malheureux, d’un plus malheureux fils,
Dieu puiſſant, m’écriai-je, exauce la prière ;
Daigne ſur ce qu’il craint lui prêter ta lumière. »
Alors, parmi les pleurs & parmi les ſanglots,
Une lugubre voix fît entendre ces mots :
525 « Ceſſe de me preſſer ſur le deſtin d’Oreſte ;
Pour en être éclairci tu m’implores en vain :