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345Corinthe, avec la paix, vous demande pour reine :
Ce grand jour doit former une ſi belle chaîne.

I P H I A N A S S E.

Plût aux dieux que ce jour, qui te paraît ſi beau,
Dût des miens à tes yeux éteindre le flambeau !
Mais lorſque tu ſauras mes mortelles alarmes,
350N’irrite point mes maux, & fais grace à mes larmes.
Il te ſouvient encor de ces temps où, ſans toi,
Nous ſortîmes d’Argos à la ſuite du roi.
Tout ſemblait menacer le trône de Mycènes,
Tout cédait aux deux rois de Corinthe & d’Athènes.
355Pour retarder du moins un ſi cruel malheur,
Mon frère ſans ſuccès fit briller ſa valeur ;
Égiſthe fut défait, & trop heureux encore
De pouvoir ſe jeter dans les murs d’Épidaure.
Tu ſais tout ce qu’alors fit pour nous ce héros
360Qu’Itys avait ſauvé de la fureur des flots.
Peins-toi le dieu terrible adoré dans la Thrace ;
II en avait du moins & les traits & l’audace.
Quels exploits ! Non, jamais avec plus de valeur
Un mortel n’a fait voir ce que peut un grand cœur.
365Je le vis ; & le mien, illuſtrant ſa victoire,
Vaincu, quoiqu’en ſecret, mit le comble à ſa gloire.
Heureuſe ſi mon âme, en proie à tant d’ardeur,
Du crime de ſes feux faiſait tout ſon malheur !