Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/209

Cette page n’a pas encore été corrigée

Bravez-le ; mais, du moins, du ſort qui vous accable
190N’accuſez donc que vous, princeſſe inexorable.
Je fléchiſſais un roi de ſon pouvoir jaloux ;
Un héros par mes ſoins devenait votre époux ;
Je voulais, par l’hymen d’Itys & de ma fille,
Voir rentrer quelque jour le ſceptre en ſa famille :
195Mais l’ingrate ne veut que nous immoler tous.
Je ne dis plus qu’un mot. Itys brûle pour vous ;
Ce jour même à ſon tort vous devez être unie :
Si vous n’y ſouscrivez, c’eſt fait de votre vie.
Égiſthe eſt las de voir ſon eſclave en ces lieux
200Exciter par ſes pleurs les hommes & les dieux.

É L E C T R E.

Contre un tyran ſi fier, juſte ciel ! Quelles armes !
Qui brave les remords peut-il craindre mes larmes ?
Ah ! Madame, eſt-ce à vous d’irriter mes ennuis ?
Moi, ſon eſclave ! Hélas ! d’Où vieut que je la ſuis ?
205Moi, l’eſclave d’Égiſthe ! Ah ! Fille infortunée !
Qui m’a fait ſon eſclave ? Et de qui ſuis-je née ?
Était-ce donc à vous de me le reprocher ?
Ma mère, ſi ce nom peut encor vous toucher,
S’il eſt vrai qu’en ces lieux ma honte ſoit jurée,
210Ayez pitié des maux où vous m’avez livrée :
Précipitez mes pas dans la nuit du tombeau ;
Mais ne m’uniſſez point au fils de mon bourreau,