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C’eſt former des projets & des vœux ſuperflus ;
Mon frère malheureux, ſans doute, ne vit plus.
Et vous, manes ſanglants du plus grand roi du monde,
Triſte & cruel objet de ma douleur profonde,
15Mon père, s’il eſt vrai que ſur les ſombres bords
Les malheurs des vivants puiſſent toucher les morts
Ah ! Combien doit frémir ton ombre infortunée
Des maux où ta famille eſt encor deſtinée !
C’était peu que les tiens, altérés de ton ſang,
20Euſſeut oſé porter le couteau dans ton flanc,
Qu’à la face des dieux le meurtre de mon père
Fût, pour comble d’horreurs, le crime de ma mère ;
C’eſt peu qu’en d’autres mains la perfide ait remis
Le ſceptre qu’après toi devait porter ton fils,
25Et que dans mes malheurs Égiſthe qui me brave,
Sans reſpect, ſans pitié, traite Électre en eſclave :
Pour m’accabler encor, ſon fils audacieux,
Itys, juſqu’à ta fille oſe lever les yeux.
Des dieux & des mortels Électre abandonnée
30Doit, ce jour, à ſon ſort s’unir par l’hyménée,
Si ta mort, m’inſpirant un courage nouveau,
N’en éteint par mes mains le coupable flambeau.
Mais qui peut retenir le courroux qui m’anime ?
Clytemneſtre oſa bien s’armer pour un grand crime.
35Imitons ſa fureur par de plus nobles coups ;
Allons à ces autels, où m’attend ſon époux,