Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/190

Cette page n’a pas encore été corrigée

Qui ſemblait reſpirer la douceur de la paix :
Ne ſerait-elle plus vos plus tendres ſouhaits ?
Quoi ! De quelques ſoupçons votre âme eſt-elle atteinte ?
Ce jour, cet heureux jour eſt-il fait pour la crainte ?
Mon frère, vous devez la bannir déſormais ;
La coupe va bientôt nous unir pour jamais.
Goûtez-vous la douceur d’une paix ſi parfaite ?
Et la ſouhaitez-vous comme je la ſouhaite ?
N’êtes-vous pas ſensible à ce rare bonheur ?

T H Y E S T E.

Qui ? Moi vous ſoupçonner, ou vous haïr, ſeigneur ?
Les dieux m’en ſont témoins, ces dieux qu’ici j’atteſte,
Qui liſent mieux que vous dans l’âme de Thyeſte.
Ne vous offenſez point d’une vaine terreur
Qui ſemble, malgré moi, s’emparer de mon cœur :
Je le ſens agité d’une douleur mortelle ;
Ma conſtance ſuccombe ; en vain je la rappelle ;
Et, depuis un moment, mon eſprit abattu
Laiſſe d’un poids honteux accabler ſa vertu.
Cependant, près de vous, un je ne ſais quel charme
Suſpend dans ce moment le trouble qui m’alarme.
Pour raſſurer encor mes timides eſprits,
Rendez-moi mes enfants, faites venir mon fils ;
Qu’il puiſſe être témoin d’une union ſi chère,
Et partager, ſeigneur, les bontés de mon frère.