Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/189

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Qui cède à la pitié mérite qu’on l’offenſe ;
Il faut un terme au crime, & non à la vengeance.
Tout eſt prêt ; & déjà, dans mon cœur furieux,
Je goûte le plaiſir le plus parfait des dieux.
Je vais être vengé, Thyeſte, quelle joie !
Je vais jouir des maux où tu vas être en proie.
Ce n’eſt de ſes forfaits ſe venger qu’à demi,
Que d’accabler de loin un perfide ennemi ;
Il faut, pour bien jouir de ſon ſort déplorable,
Le voir dans le moment qu’il devient miſérable,
De ſes premiers tranſports irriter la douleur,
Et lui faire à longs traits ſentir tout ſon malheur.


S C È N E   VI.
Atrée, Thyeſte, Gardes.
A T R É E bas

Thyeſte vient ; feignons ; il ſemble, à ſa triſtesse,
Que de ſon ſort affreux quelque ſoupçon le preſſe.

Haut.

Cher Thyeſte, approchez : d’où naît cette frayeur ?
Quel déplaiſir ſi prompt peut troubler votre cœur ?
Vous paraiſſez ſaisi d’une douleur ſecrète,
Et ne me montrez plus cette âme ſatisfaite