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Verſez à ma fureur ce ſang abandonné,
Et ſongez à remplir l’ordre que j’ai donné.



S C È N E   V.
A T R É E, ſeul.

Va périr, malheureux, mais, dans ton ſort funeſte,
Cent fois moins malheureux que le lâche Thyeſte.
Que je ſuis ſatisfait ! Que de pleurs vont couler
Pour ce fils qu’à ma rage on eſt près d’immoler !
Quel que ſoit en ces lieux ſon ſupplice barbare,
C’eſt le moindre tourment qu’à Thyeſte il prépare.
Ce fils infortuné, cet objet de ſes vœux,
Va devenir pour lui l’objet le plus affreux.
Je ne te l’ai rendu que pour te le reprendre,
Et ne te le ravis que pour mieux te le rendre.
Oui, je voudrais pouvoir, au gré de ma fureur,
Le porter tout ſanglant juſqu’au fond de ton cœur.
Quel qu’en ſoit le forfait, un deſſein ſi funeſte,
S’il n’eſt digne d’Atrée, eſt digne de Thyeſte.
De ſon fils tout ſanglant, de ſon malheureux fils,
Je veux que dans ſon ſein il entende les cris.
C’eſt en toi-même, ingrat, qu’il faut que ma victime,
Ce fruit de tes amours, aille expier ton crime.
Je friſſonne, & je ſens mon âme ſe troubler ;
C’eſt à mon ennemi qu’il convient de trembler.