Ah ! Je ne fuirais pas, quel que fût mon effroi,
Si mon cœur aujourd’hui ne tremblait que pour moi.
Theſſandre, il faut ſauver mon père & la princeſſe ;
Ce n’eſt plus que pour eux que mon cœur s’intéreſſe.
Cherche Théodamie, & ne la quitte pas ;
Moi, je cours retrouver Thyeſte de ce pas.
Eh ! Que prétendez-vous, ſeigneur, lorſque ſon frère
Semble de ſa préſence accabler votre père ?
Il ne le quitte point ; ſes longs embraſſements
Sont toujours reſſerrés par de nouveaux ſerments.
Un ſuperbe feſtin par ſon ordre s’apprête ;
Il appelle les dieux à cette auguſte fête.
Mon cœur, à cet aſpect qui s’eſt laiſſé charmer,
Ne voit rien dont le vôtre ait lieu de s’alarmer.
Et moi, je ne vois rien dont le mien ne frémiſſe.
De quelque crime affreux cette fête eſt complice ;
C’eſt aſſez qu’un tyran la conſacre en ces lieux ;
Et nous ſommes perdus s’il invoque les dieux.
Va, cours avec ma sœur nous attendre au rivage ;
Moi, je vais à Thyeſte ouvrir un sûr paſſage.
Dieux puiſſants, ſecondez un ſi juſte deſſein ;
Et dérobez mon père aux coups d’un inhumain.