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P L I S T H È N E.

Ah ! Je ne fuirais pas, quel que fût mon effroi,
Si mon cœur aujourd’hui ne tremblait que pour moi.
Theſſandre, il faut ſauver mon père & la princeſſe ;
Ce n’eſt plus que pour eux que mon cœur s’intéreſſe.
Cherche Théodamie, & ne la quitte pas ;
Moi, je cours retrouver Thyeſte de ce pas.

T H E S S A N D R E.

Eh ! Que prétendez-vous, ſeigneur, lorſque ſon frère
Semble de ſa préſence accabler votre père ?
Il ne le quitte point ; ſes longs embraſſements
Sont toujours reſſerrés par de nouveaux ſerments.
Un ſuperbe feſtin par ſon ordre s’apprête ;
Il appelle les dieux à cette auguſte fête.
Mon cœur, à cet aſpect qui s’eſt laiſſé charmer,
Ne voit rien dont le vôtre ait lieu de s’alarmer.

P L I S T H È N E.

Et moi, je ne vois rien dont le mien ne frémiſſe.
De quelque crime affreux cette fête eſt complice ;
C’eſt aſſez qu’un tyran la conſacre en ces lieux ;
Et nous ſommes perdus s’il invoque les dieux.
Va, cours avec ma sœur nous attendre au rivage ;
Moi, je vais à Thyeſte ouvrir un sûr paſſage.



S C È N E   III.
PLISTHÈNE, ſeul

Dieux puiſſants, ſecondez un ſi juſte deſſein ;
Et dérobez mon père aux coups d’un inhumain.