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S C È N E   I.
P L I S T H È N E ſeul.

Theſſandre ne vient point, rien ne l’offre à mes yeux ;
Tout m’abandonne-t-il dans ces funeſtes lieux ?
Triſtes preſſentiments que le malheur enfante,
Que la crainte nourrit, que le ſoupçon augmente ;
Secrets avis des dieux, ne preſſez plus un cœur
Dont toute la fierté combat mal la frayeur.
C’eſt en vain qu’elle veut y mettre quelque obſtacle ;
Le cœur des malheureux n’eſt qu’un trop sûr oracle.
Mais pourquoi m’alarmer ? Et quel eſt mon effroi ?
Puis-je, ſans l’outrager, me défier d’un roi
Qui ſemble déſormais, cédant à la nature,
Oublier qu’à ſa gloire on ait fait une injure ?
L’oublier ! Ah ! Moi-même, oublié-je aujourd’hui
Ce qu’il voulait de moi, ce que j’ai vu de lui ?
Puis-je en croire une paix déjà ſans fruit jurée ?
Dès qu’il faut pardonner, n’attendons rien d’Atrée.
Je ne connais que trop ſes tranſports furieux ;
Et ſa fauſſe pitié n’éblouit point mes yeux.