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A T R É E.

Ah, traître ! C’en eſt trop ; le courroux qui m’anime
T’apprendra ſi je ſais comme on punit un crime.
Je rends grâces au ciel qui te livre en mes mains :
Sans doute que les dieux approuvent mes deſſeins,
Puiſque avec mes fureurs leurs ſoins d’intelligence
T’amènent dans des lieux tout pleins de ma vengeance.
Perfide, tu mourras : oui, c’eſt fait de ton ſort ;
Ton nom ſeul en ces lieux eſt l’arrêt de ta mort.
Rien ne peut t’en ſauver ; la foudre eſt toute prête ;
J’ai ſuspendu longtemps ſa chute ſur ta tête.
Le temps, qui t’a ſauvé d’un vainqueur irrité,
A groſſi tes forfaits par leur impunité.

T H Y E S T E.

Que tardes-tu, cruel, à remplir ta vengeance ?
Attends-tu de Thyeſte une nouvelle offenſe ?
Si j’ai pu quelque temps te déguiſer mon nom,
Le ſoin de me venger en fut ſeul la raiſon.
Ne crois pas que la peur des fers ou du ſupplice
Ait à mon cœur tremblant dicté cet artifice :
Aerope par ta main a vu trancher ſes jours ;
La même main des miens doit terminer le cours ;
Je n’en puis regretter la triſte deſtinée.
Précipite, inhumain, leur courſe infortunée,
Et ſois sûr que contre eux l’attentat le plus noir
N’égale point pour moi l’horreur de te revoir.