Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/146

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D’où naiſſent à la fois des troubles ſi puiſſants ?
Quelle ſoudaine horreur s’empare de mes ſens !
Toi, qui pourſuis le crime avec un ſoin extrême,
Ciel, rends vrais mes ſoupçons, & que ce ſoit lui-même !
Je ne me trompe point, j’ai reconnu ſa voix ;
Voilà ſes traits encore : ah ! C’eſt lui que je vois :
Tout ce déguiſement n’eſt qu’une adreſſe vaine ;
Je le reconnaîtrais ſeulement à ma haine :
Il fait pour ſe cacher des efforts ſuperflus ;
C’eſt Thyeſte lui-même, & je n’en doute plus.

T H Y E S T E.

Moi, Thyeſte, ſeigneur !

A T R É E.

Moi, Thyeſte, ſeigneur !Oui, toi-même, perfide !
Je ne le ſens que trop au tranſport qui me guide ;
Et je hais trop l’objet qui paraît à mes yeux
Pour que tu ne ſois point ce Thyeſte odieux.
Tu fais bien de nier un nom ſi mépriſable :
En eſt-il ſous le ciel un qui ſoit plus coupable ?

T H Y E S T E.

Eh bien ! Reconnais-moi ; je ſuis ce que tu veux,
Ce Thyeſte ennemi, ce frère malheureux.
Quand même tes ſoupçons & ta haine funeſte
N’euſſent point découvert l’infortuné Thyeſte,
Peut-être que la mienne, eſclave malgré moi,
Aux dépens de mes jours m’eût découvert à toi.