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SCÈNE V.
Pliſthène, Theſſandre.
P L I S T H È N E.

Qu’ai-je fait, malheureux ? Quelle imprudence extrême !
Je ne ſais quel effroi s’empare de mon cœur ;
Mais tout mon ſang ſe glace, & je frémis d’horreur.
Dieux, que dans mes ſerments malgré moi j’intéreſſe,
Perdez le ſouvenir d’une indigne promeſſe ;
Ou recevez ici le ſerment que je fais,
En duſſé-je périr, de n’obéir jamais.
Mais pourquoi m’alarmer d’un ſerment ſi funeſte ?
Que peut craindre un grand cœur quand ſa vertu lui reſte ?
Athènes me répond d’un trépas glorieux,
Et j’y cours m’affranchir d’un ſerment odieux.
Survivre aux maux cruels dont le deſtin m’accable,
Ce ſerait, plus que lui, m’en rendre un jour coupable.
Haï, perſécuté, chargé d’un crime affreux,
Dévoré ſans eſpoir d’un amour malheureux,
Malgré tant de mépris, que je chéris encore,
La mort eſt déſormais le ſeul dieu que j’implore ;
Trop heureux de pouvoir arracher en un jour
Ma gloire à mes ſerments, mon cœur à ſon amour !