Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/118

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le ſang qui nous unit me rend-il ſeul coupable ?
D’un criminel amour le perfide enivré
A-t-il eu quelque égard pour un nœud ſi ſacré ?
Mon cœur, qui ſans pitié lui déclare la guerre,
Ne cherche à le punir qu’au défaut du tonnerre.

E U R Y S T H È N E.

Depuis vingt ans entiers ce courroux affaibli
Sembloit pourtant laiſſer Thyeſte dans l’oubli.

A T R É E.

Dis plutôt qu’à punir mon âme ingénieuſe
Méditait dès ce temps une vengeance affreuſe :
Je n’épargnais l’ingrat que pour mieux l’accabler :
C’eſt un projet enfin à te faire trembler.
Inſtruit des noirs tranſports où mon âme eſt livrée,
Lis mieux dans le ſecret & dans le cœur d’Atrée.
Je ne veux découvrir l’un & l’autre qu’à toi ;
Et je te les cachais, ſans ſoupçonner ta foi.
Écoute. Il te ſouvient de ce triſte hyménée
Qui d’Aerope à mon ſort unit la deſtinée :
Cet hymen me mettait au comble de mes vœux ;
Mais à peine aux autels j’en eus formé les nœuds,
Qu’à ces mêmes autels, & par la main d’un frère,
Je me vis enlever une épouſe ſi chère.
Tes yeux furent témoins des tranſports de mon cœur :
À peine mon amour égalait ma fureur ;