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Ma haine contre lui ſera toujours la même :
Je l’abhorre… ou plutôt je ſens que je vous aime…
Où s’égare mon cœur ?… de ce que je me dois
Quel oubli ! Mes remords ont étouffé ma voix…
Quand je crois rejeter des nœuds illégitimes,
Mon cœur, au même inſtant, reſpire d’autres crimes.
Qu’ai-je dit ? Quel ſecret oſé-je révéler ?
Me reſte-t-il encor la force de parler ?
Ah ! Seigneur, puiſqu’enfin je n’ai pu m’en défendre,
À d’éternels adieux vous devez vous attendre.

I D A M A N T E.

Que dites-vous ? ô ciel ! Ainſi donc votre cœur,
Garde, même en aimant, ſa première rigueur !
Calmez de ce tranſport l’injuſte violence.
Votre amour eſt-il donc un reſte de vengeance ?
Faut-il en voir, hélas ! Tous mes maux redoubler ?
Ne le déclarez-vous que pour m’en accabler ?
Ah ! Cruelle, du moins au moment qu’il éclate,
Ceſſez de m’envier le bonheur qui me flatte.

É R I X È N E.

Si ce faible bonheur vous flatte, il vous ſéduit :
Seigneur, de cet aveu ma mort ſera le fruit.
Si je cède au tranſport où mon amour me livre,
À ma gloire du moins je ne ſais pas ſurvivre.