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Madame ; trop heureux, ſi la mort que j’implore
Apaiſe le courroux de tout ce que j’adore !
Si je puis déſarmer le ciel & vos beaux yeux,
Je vais, par un ſeul coup, contenter tous mes dieux.

É R I X È N E.

Seigneur, il eſt donc vrai qu’une promeſſe affreuſe
Vous livre aux Dieux vengeurs ? Qu’ai-je fait, malheureuſe !
J’ai révélé l’oracle, & ma funeſte erreur
A d’un arrêt barbare appuyé la fureur.
Mais pouvais-je des Dieux pénétrer le myſtère,
Et croire vos vertus l’objet de leur colère ;
Me défier, enfin, qu’avec eux de concert
J’euſſe pu me prêter à la main qui vous perd ?
Non, ſeigneur, non, jamais votre fière ennemie
N’aurait voulu pourſuivre une ſi belle vie.
Moi, la pourſuivre ! Hélas ! Les Dieux me ſont témoins
Que mon cœur malheureux ne haït jamais moins.

I D A M A N T E.

Quel bonheur eſt le mien ! Près de perdre la vie,
Qu’il m’eſt doux de trouver Érixène attendrie !

É R I X È N E.

Oui, malgré mon devoir, je reſſens vos malheurs,
Et ne puis les cauſer ſans y donner des pleurs :
Je ne puis, ſans frémir, voir le coup qui s’apprête.