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jeune femme, sa bibliothèque et ses trois petites filles. J’étais l’aînée. Mon enfance fut triste. Aussi haut que remontent mes souvenirs, je n’aperçois qu’un lointain sombre. Il me semble que le soleil n’a jamais lui dans ce temps-là. J’étais naturellement sauvage et concentrée. Les rares caresses auxquelles j’étais exposée m’étaient insupportables ; je leur préférais cent fois les rebuffades. Celles-ci, d’ailleurs, ne me manquaient pas, surtout de la part de ma mère. La pauvre jeune femme s’ennuyait horriblement dans la solitude où son mari l’avait confinée, et était toujours de mauvaise humeur. Mes meilleurs moments étaient ceux que je passais, assise dans un coin du jardin, à regarder s’agiter les moucherons, les fourmis et autres insectes, les cloportes surtout. Je me sentais une sympathie toute particulière pour cette petite bête laide et craintive. J’aurais voulu, comme elle, pouvoir me replier sur moi-même et me dissimuler. De ce commerce il m’est resté une grande tendresse pour tout ce qui a vie. Quant aux enfants de mon âge, je les évitais, ne sachant ni jouer ni me défendre.

J’eus toutes les peines du monde à apprendre à lire, malgré ma bonne volonté et mon extrême désir de savoir. Je me souviens encore des regards de convoitise que je jetais sur la bibliothèque