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m’ont jamais personnellement troublée ; j’y étais préparée d’avance. Je puis même dire que je m’y attendais. Bien plus, j’acceptais avec une sorte de satisfaction sombre mon rôle d’apparition fugitive au sein des agitations incessantes de l’être. Mais si je prenais facilement mon parti de mon sort individuel, j’entrais dans des sentiments tout différents dès qu’il s’agissait de mon espèce. Ses misères, ses douleurs, ses aspirations vaines, me remplissaient d’une pitié profonde. Considéré de loin, à travers mes méditations solitaires, le genre humain m’apparaissait comme le héros d’un drame lamentable qui se joue dans un coin perdu de l’univers, en vertu de lois aveugles, devant une nature indifférente, avec le néant pour dénouement. L’explication que le christianisme s’est imaginé d’en donner n’a apporté à l’humanité qu’un surcroît de ténèbres, de luttes et de tortures. En faisant intervenir le caprice divin dans l’arrangement des choses humaines, il les a compliquées, dénaturée. De là, ma haine contre lui, et surtout contre les champions et propagateurs plus ou moins convaincus, mais toujours intéressés, de ses fables et de ses doctrines. Contemplateur à la fois compatissant et indigné, j’étais parfois trop émue pour garder le silence. Mais c’est au nom de l’homme collectif que j’ai élevé la voix ;