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pas se le dissimuler, la femme qui rime est toujours plus ou moins ridicule.

Nous voyions peu de monde, mais ce peu était d’élite : Alexandre de Humboldt, Varnhagen, Jean Müller, Bœkh, etc. Tout ce qui passait à Berlin de Français intellectuellement distingués ne manquait pas de nous visiter. Ce bonheur intime et tranquille ne dura guère plus de deux ans. Maladie de mon mari. Je le ramène dans le Jura. Il meurt au milieu des siens, à Montbéliard, le 26 juillet 1846. Il avait trente-quatre ans. Ma douleur fut immense. Mes deux sœurs me pressèrent à la fois de venir passer chez elles les premiers temps de mon veuvage. La Niçoise l’emporta. Bien que vue à travers mes larmes, Nice m’enchanta. La sérénité de son beau ciel empêcha seule mon chagrin de tourner au désespoir. Me sentant incapable de vivre ailleurs, j’achetai un petit domaine, ancienne propriété des Dominicains, dans une position admirable. L’habitation était encore divisée en cellules. J’y fis bâtir une tour d’où la vue, d’un côté, s’étendait sur un splendide golfe bleu, et, de l’autre, atteignait les cimes blanches des montagnes du Piémont. On n’arrivait chez moi que par des sentiers difficiles ; ma solitude en était d’autant plus assurée. Incapable, du moins pendant les premières années,