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L’Inconscience encor sur la nature entière
Étendait tristement son voile épais et lourd.
J’apparus ; aussitôt à travers la matière
L’Esprit se faisait jour.

Secouant ma torpeur et tout étonné d’être,
J’ai surmonté mon trouble et mon premier émoi.
Plongé dans le grand Tout, j’ai su m’y reconnaître ;
Je m’affirme et dis : « Moi ! »

Bien que la chair impure encor m’assujettisse,
Des aveugles instincts j’ai rompu le réseau ;
J’ai créé la Pudeur, j’ai conçu la Justice :
Mon cœur fut leur berceau.

Seul je m’enquiers des fins et je remonte aux causes.
À mes yeux l’univers n’est qu’un spectacle vain.
Dussé-je m’abuser, au mirage des choses
Je prête un sens divin.

Je défie à mon gré la mort et la souffrance.
Nature impitoyable, en vain tu me démens,
Je n’en crois que mes vœux et fais de l’espérance
Même avec mes tourments.