Page:Œuvres de Louise Ackermann.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

non sans regret. Le Berlin d’alors était bien la ville de mes rêves. À peu d’exceptions près, ses habitants ne vivaient que pour apprendre ou pour enseigner. Les questions philosophiques et littéraires y passionnaient seules les esprits. Hegel était mort, il est vrai, mais Schelling faisait mine de ressusciter.

De retour à Paris, je repris pendant deux ans encore mon ancien train de vie studieuse et solitaire. — Maladie de ma mère. Elle meurt. Femme de haute vertu et de grand bon sens, elle m’a souvent tourmentée, mais toujours avec les meilleures intentions et dans la juste persuasion qu’elle remplissait un devoir. Les femmes qui écrivent sont, hélas ! naturellement disposées à se laisser aller à de déplorables écarts de conduite. Un pareil danger effrayait ma mère. C’est donc à elle que je dois de ne pas être devenue de lettres. Je ne saurais lui en avoir trop de reconnaissance.

Une de mes sœurs était déjà mariée, mais en province ; l’autre épousa bientôt un propriétaire niçois et partit pour Nice. Rien ne me retenait plus à Paris, ni devoir, ni attache d’aucune sorte. Ma première pensée fut naturellement de retourner à Berlin, chez mes bons Schubart, où j’avais passé une année si douce. Mon intention était d’y attendre que mon âge me permît de vivre seule.