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L’éventrer ! Cet espoir saisit ton âme ardente.
Mais ne sais-tu donc pas, créature imprudente,
Que le monstre éternel est comme un roc épais ?
C’est plutôt du granit que de la chair vivante.
Ce corps invulnérable, à ta grande épouvante,
Te renvoyait tes coups lorsque tu le frappais.
Il faut te voir alors redoubler de courage ;
Inutiles et vains, tes efforts sont navrants ;
Même à certains moments l’impuissance et la rage
T’arrachent malgré toi des accents déchirants.
Des spasmes convulsifs tordent tes lèvres pâles ;
La voix va te manquer ; à bout de cris, tu râles.
Un autre eût succombé ; toi, tu résisteras.
Mais si tu sors vivant d’une étreinte brutale,
C’est que tu sus à temps, dans la lutte inégale,
Appeler tout ton cœur au secours de ton bras.
Ton cœur lui seul, Pascal, en ce péril extrême,
Prête à ce même bras la force et le ressort,
Et lorsque l’instant vint, décisif et suprême,
Il changea tout à coup ton angoisse en essor.
Bien plus, il t’apportait un renfort invincible :
L’Amour qui peut tout croire, et veut tout affirmer.
Appuyé désormais sur ton dogme inflexible,
Tu verrais sans trembler l’univers s’abîmer.
Qu’importe qu’en toi l’homme ait ses moments de transe ?
Le chrétien jusqu’au bout demeure inébranlé.
Parfois le Sphinx, outré d’une telle assurance,
Tentait de t’arracher un rêve, une espérance,
Tu ne lâchas point prise, et l’animal ailé