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En effet, du rocher dont il faisait son aire
Le monstre vint tomber aux pieds du téméraire,
Mais c’était pour le dévorer.

Au tour du Sphinx alors de manquer sa victime.
Dans ce pâle chrétien qu’il croyait sous sa dent
Il trouvait un athlète héroïque, sublime,
Et qui le menaçait tout en se défendant.
Au lieu de reculer, regardez ! il assaille.
En vain son sang jaillit, en vain sa chair tressaille,
Dans leur extrême effort ses membres sont roidis,
Par sa témérité sa fureur se décèle ;
Le danger l’exaspère, et c’est quand il chancelle
Qu’il porte à l’ennemi ses coups les plus hardis.
Quels assauts ! quels élans ! Jamais lutte pareille
Ne s’était engagée à la clarté des cieux.
Nous les avons toujours dans l’âme et dans l’oreille
Ces cris et ces défis du jeune audacieux.
N’était-il pas vainqueur ? À l’instant, ici même
N’a-t-il point prononcé la parole suprême,
Et résolu d’un mot l’énigme d’ici-bas ?
Un tel aveuglement nous trouble et nous étonne.
Non, non, pauvre Pascal, tu n’as vaincu personne ;
Ta réponse est absurde, et le Sphinx n’en veut pas.
Impassible et muet, que tu frappes ou railles,
Il le garde enfoui dans ses mornes entrailles,
Ce terrible secret que tu crus pénétrer,
Et pour le lui ravir il faudrait l’éventrer.