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Au bout de trois années de pension, je rentrai dans ma famille, c’est-à-dire dans la vie à la fois bourgeoise et champêtre. Cette vie-là n’était pas non plus sans charmes. Dans la journée, chacun se livrait à ses occupations préférées. Mon père cultivait ses fleurs, ma mère surveillait ses récoltes (elle avait fini par prendre goût à la campagne et ne s’ennuyait plus du tout), mes sœurs travaillaient à l’aiguille ou s’occupaient du ménage ; moi, j’avais l’étude et la composition. Le soir, nous nous réunissions et faisions la lecture à haute voix et à tour de rôle. Les classiques étaient délaissés. J’avais introduit à leur place les auteurs du jour : de Sénancour, Hugo, Vigny, Musset, etc. Chacun de nous était, en outre, abonné à un journal ou revue de son choix. Il n’y avait pour moi dans cette existence qu’un seul point noir. Le voici : nous avions pour voisines de campagne une dame veuve et sa fille, qui habitaient et habitent encore un vieux château des environs. Des relations s’étaient bien vite établies entre les châtelaines de Belinglise et les habitants de la Rêverie (c’était le nom de notre demeure). Ces dames recevaient beaucoup de monde pendant les vacances. On dansait au château, on y jouait des charades. Ma mère, qui craignait que ses filles ne prissent dans leur complet éloignement du