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sionnaire ; je ne les ai jamais oubliés. Ce même professeur, dont j’étais l’élève favorite et gâtée, pourvoyait à mes besoins littéraires ; ses poches étaient toujours pleines pour moi des productions du jour. Ajoutez à ces lectures l’étude de l’anglais et de l’allemand, Shakespeare, Byron, Gœthe, Schiller, m’ouvrant à la fois un nouveau monde poétique, et vous aurez une idée de l’activité et des délices de ma vie de pension. Tout le monde était alors d’accord pour me prédire un bel avenir littéraire.

De son côté, l’abbé Daubrée crut devoir faire preuve de sollicitude à mon égard. Tout frais émoulu du séminaire, il me communiqua quelques chapitres de ses cahiers de théologie. L’effet ne s’en fit point attendre. Ces dogmes, que je n’acceptais ni ne rejetais, auxquels, occupée que j’étais ailleurs, je ne songeais même plus, ces dogmes, dis-je, m’apparurent tout à coup dans leur monstrueuse absurdité. Je ne pus que les repousser en bloc. Le bon abbé ignora toujours les résultats de sa théologie. Je me gardai bien de l’en instruire ; il en aurait été trop malheureux. L’envie de croire ne me manquait pourtant pas. J’étais certainement, au fond, de nature religieuse, puisque j’eus plus tard des rechutes de mysticisme. Quant à la foi proprement dite, elle m’était devenue à tout jamais impossible.