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guère attendue d’une enfant de mon âge. J’étais pour mon entourage pieux un objet d’édification, quelque chose comme une sainte future. Il est certain que, si l’on m’eût laissée suivre ma pente d’alors, j’allais droit au couvent.

À mon retour à la maison, mon père fut effrayé des ravages que la foi avait exercés sur ma jeune âme. Dans l’intention de les réparer, il me glissa du Voltaire entre les mains. Peu à peu je me calmai et repris le cours de mes lectures, que la première communion avait interrompues. Je lisais de tout et pêle-mêle. Une traduction de Platon m’enchanta, mais la palme demeura aux Époques de la Nature, de Buffon ; ce livre m’élargit tout à coup l’horizon. C’est aussi vers ce temps que je commençai à rimer. À son tour, ma mère crut devoir s’alarmer. En effet, il y avait de quoi. Cette passion de lecture, ces velléités poétiques surtout, bouleversaient ses idées de bourgeoise sensée. Mes livres me furent retirés. J’en tombai malade ; il fallut me les rendre.

Ma mère, dans un voyage qu’elle fit vers cette époque à Paris, exprimait à madame Massin, sa cousine, ses inquiétudes à mon sujet. Celle-ci, qui par état faisait grand cas des aptitudes qu’on voulait étouffer en moi, persuada à ma mère qu’il fallait au contraire les favoriser. Je fus donc mise