Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/99

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Et depuis, loin du jour, fermant ses ailes, d’or,
Dans ce filet de soie il se berce et s’endort.
Et pourtant, je rêvais à ce plan d’épopée,
Le plus large de ceux qu’on taille à coups d’épée ;
Je voulais étourdir sur les chagrins présents,
Les Français, à ma voix rajeunis de trois ans ;
Galvaniser, armer pour leur œuvre qui tombe,
Ces morts qu’un deuil railleur insulte dans leur tombe ;
Ce peuple qui, sur l’or jonché devant ses pas,
Vainqueur, marchait pieds nus, et ne se baissait pas :
Et ces adolescents déjà mûrs pour la gloire,
Déjà fiers de mourir, et qui ne pouvaient croire,
Hélas ! qu’ils se livraient en pâture aux canons
Pour conquérir des mots et détrôner des noms ;
Et puis, j’aurais fouetté d’ardentes philippiques
Les Thersites fuyards de nos combats épiques,
Spectateurs nonchalants qui, de leur balcon d’or,
Applaudissaient Paris comme un toréador ;
Qui, le drame achevé, tombèrent de leur loge
Pour s’inscrire vivants sur un martyrologe,
S’enivrer au banquet dressé pour les vainqueurs,
Et rougir de cordons leurs poitrines sans cœurs.

Je marchais : les rayons qui brûlaient mes paupières,
Comme des diamants faisaient briller les pierres.