Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/91

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Par pitié pour la France et pour toi, plût au ciel
Qu’un bohémien, fouillant dans ton berceau de fête,
Au baptême royal eût dérobé ta tête !
Tu pourrais aujourd’hui danser sous tes haillons,
La chevelure au vent, courir les papilons,
Moissonner, à pleins bras, les campagnes fleuries,
Écloses sans parfum sur tes tapisseries,
Et t’endormir à l’aise aux portes du palais
Qui fait peser sur toi ses murs et ses valets,
Ivre de joie et d’air, riche d’un budget mince,
Tu vivrais mendiant, toi qui végètes prince.
Dieu ne l’a pas voulu : sur des parquets luisants,
Tu heurtes tes genoux au front des courtisans,
Et les ambassadeurs, qu’un huissier te présente,
Brisent tes hochets d’or dans leur marche pesante.
Puisses-tu succomber à cet ennui profond !
Car l’avenir pour toi s’ouvre noir et sans fond,
Car tes persécuteurs font briller sur ta tête
Un joyau, dont l’aimant attire la tempête…
Ta raison, disent-ils, a mûri promptement,
Tu lis Gœthe et Schiller sur le texte allemand ;
Eh bien ! tu comprendras mon arrêt prophétique,
Enfant ! si quelque jour la chance politique
Te renvoyait au trône, et courbait sous ta loi
Un peuple frémissant qui ne veut pas de toi ;