Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/87

Cette page n’a pas encore été corrigée

Poëte infortuné, sous ta plume prudente,
En vain tu retiendras l’épigramme pendante ;
À chaque livraison un jury menaçant
Donnera la torture au poëme innocent :
Il flairera partout des délits et des crimes,
Ainsi qu’un or suspect contrôlera tes rimes,
Et les fera sonner tour à tour, à dessein
D’en tirer quelque bruit ressemblant au tocsin.
On montrera du doigt à la foule ignorante
L’injure personnelle, à chaque mot flagrante.
Un magistrat, dit-on, par l’un est bafoué ;
L’autre frappe un notaire, et l’autre un avoué ;
L’autre un bourgeois du lieu, colossal d’importance,

Dont toi seul n’avais pas soupçonné l’existence.
Lances-tu des cailloux aux Goliaths des cours !
Sur quelque front obscur ils ricochent toujours.
À la face des rois, jettes-tu de la boue ?
Un maire et deux adjoints vont s’essuyer la joue ;
Et des officieux, en grimaçant l’effroi,
Te parleront tout bas du procureur du roi…
Donnes-tu quelques pleurs à ton noble Mécène,
Dont l’exil imprévu fit murmurer la Seine ?
L’hémistiche à Melun se glissant par hasard
Flamboie aux murs dorés d’un petit Balthasar,
Et, des juges tardifs excitant les enquêtes,