Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/86

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Je serai, s’il le faut, et manœuvre et poëte :
De l’art et du travail cumulant les ennuis,
Je sûrai le matin sur l’œuvre de mes nuits…

Vous dont j’entends gronder le bruyant anathème,
Savez-vous bien (hélas ! je l’ignorais moi-même !)
Savez-vous quel fardeau je m’étais imposé ?
Quel miracle inouï je rêvais, quand j’osai
En forme d’Hélicon tailler notre montagne,
Et dire fiat lux aux brouillards de Champagne ?
Comme le voyageur dans son nautique essor,
Baptisant de son nom une île vierge encor,
Insensé, j’avais cru, Cook de la poésie,
Conquérir le premier les bords de la Voulzie ;
Ô mes concitoyens, pardonnez ! je le vois,
Vos gloires pour fleurir n’attendaient pas ma voix.
Heureux pays ! ton sol fourmille d’Aristarques ;
Tes Solons inconnus attendent des Plutarques ;
Rivaux des troubadours qui t’illustraient jadis,
Tes nouveaux lauréats, grands hommes inédits,

De l’ombre d’un bureau, du fond d’une boutique,
Règnent sur les beaux-arts et sur la politique,
Et l’on ne peut toucher à ce double terrain
Sans attenter aux droits d’un orgueil suzerain.