Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/85

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Hélas ! j’ai préludé sous de riants auspices ;
Tout semblait à mon vol offrir des cieux propices ;
Ceux même qu’autrefois, dans ma gaîté sans frein,
J’avais égratignés d’un insolent refrain,
Ont, tuteurs généreux de ma muse inconnue,
Prêté des ailes d’or à son épaule nue ;
La voix, qui m’a troublé lorsque je sommeillais,
Applaudit ma satire à ses premiers feuillets.
À vous, braves amis dont le bravo m’accueille,
Quand mon poëme au vent s’en allait feuille à feuille ;
À vous, dont la pitié réchauffa dans son sein
Ces passereaux frileux égarés par essaim,
Honneur ! honneur surtout à ces âmes ferventes,
Dans notre Béotie antithèses vivantes,
Qui de leurs conseils d’or m’ont payé le tribut ;
Honneur à vous, C***, M*** et G*** !
Je suis las de croupir sur votre territoire,
De prodiguer des chants qui n’ont point d’auditoire ;
Je pars, et de ces bords, que je croyais amis,
Je secoue, en fuyant, la poudres et les fourmis ;
Je pars, mais sans adieu : ma satire allumée
En cinq explosions ne s’est pas consumée ;
Je poursuivrai sans peur mon rôle jusqu’au bout :
Le théâtre a croulé, mais l’acteur est debout.
Créanciers de mes vers ; pour acquitter ma dette,