Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/81

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En vain la Liberté, renaissante aux trois jours,
Rappela ces proscrits : hélas ! les morts sont sourds !…

Lui du moins nous resta : la vieille dynastie
N’atteignit pas son front des coups de l’amnistie.
Comme l’Italien, harcelé de héros,
Qui, dans un temple ouvert, se sauve des bourreaux.
Le vieillard, poursuivi par Tartufe et Basile,
S’enfuit vers le Parnasse, en s’écriant : Asile !
Mais, dédaigneux du monde et de ses lauriers vains,
Comme un linceul précoce il revêtit Provins ;
Et l’aigle, qui peut-être eût dévoré l’espace,
Se tapit, ver obscur, dans cette carapace.
C’est le magicien de nos bois enchantés,
Le fantôme rôdeur de nos débris hantés ;
Il ordonna trente ans ce funèbre musée,
Trente ans épousseta chaque peinture usée,

Et vieux, pour récompense il ne demanda rien,
Rien, que l’honneur obscur d’en mourir le gardien.
Du haut de nos remparts, philosophe stylite,
Planant sur le champ clos où l’Europe milite,
Il voit, depuis quinze ans, voyager tour à tour
Les Bourbons fugitifs, les Bourbons de retour,
Et, détournant l’oreille au bruit de leur passage,